Gouvernance d’entreprise et soutenabilité écologique : antinomie, simple communication ou axe crédible de transition vers un nouveau modèle économique ?

Ce futur numéro de la RFSE se propose de rassembler des articles pluridisciplinaires s’interrogeant sur le rôle de l’entreprise et de sa gouvernance (de la PME à la multinationale), dans un possible développement soutenable des économies. Les risques environnementaux courus par les entreprises et l’impact environnemental de leurs activités seront au cœur des articles recherchés, que ce soit au Nord et/ou au Sud.

La mise en œuvre d’une telle transformation sociale implique en effet une adaptation de la gouvernance d’entreprise. Celle-ci désigne l’ensemble des dispositifs qui encadrent la gestion et le contrôle de la prise de décision dans tous les domaines stratégiques de l'entreprise, afin de créer et distribuer de la valeur à l’ensemble des acteurs contribuant à la pérennité et au développement de l’entreprise. Dans une perspective de développement soutenable, cette gouvernance commence à évoluer en mettant en place au niveau organisationnel des dispositifs incitatifs, mais aussi coercitifs pour que les risques environnementaux et climatiques soient intégrés aux décisions. Il peut s’agir de comités spécialisés, d’un système de rémunération des dirigeants exécutifs en fonction de la performance extra-financière de l’entreprise, ou encore d’autres dispositifs opérationnels originaux dédiés à ces nouveaux enjeux.

Les dispositifs institutionnels (normes, règles) se sont multipliés à l’échelle internationale pour inciter les entreprises à atteindre des objectifs extra-financiers, environnementaux en particulier, au-delà de la question de la seule rentabilité. Jusqu’à présent, ce processus repose principalement sur des exigences en matière de divulgation d’informations plus ou moins contraignantes, la transparence étant jugée efficace pour faire advenir les changements vertueux au sein des entreprises.

Derrière ces évolutions, une question majeure se pose alors : une nouvelle voie de gouvernance écologique, alternative aux modèles actionnarial ou partenarial, permettant une transformation profonde des modalités de production et d’accumulation de capital conforme aux attentes de soutenabilité environnementale est-elle possible ? Ou le modèle actionnarial va-t-il simplement être adapté à ses marges, voire même se retrouver renforcé dans son pouvoir ? Une telle transformation nécessite une évolution forte du droit des sociétés introduisant à la fois des critères de gestion financiers et extra-financiers, quantitatifs et qualitatifs. Ces derniers ne sont pas neutres : ils résultent de constructions sociales qui permettent d’orienter politiquement au cours d’une période historique donnée, la gestion des entreprises. En ce sens, ils doivent permettre de restructurer le système financier et le système industriel, en redonnant une place aux attentes actionnariales qui soit subordonnée aux attentes sociales et écologiques.

Cette question, fondamentalement pluridisciplinaire puisque se situant aux confluents de réflexions économique, gestionnaire, sociologique ou encore juridique, pourra faire l’objet de contributions en provenance de tous ces champs, dès lors qu’elles contiennent une dimension empirique forte. Les auteurs et autrices devront donc s’attacher à soumettre des propositions donnant à voir les pratiques d'une transition déjà à l’œuvre pour en évaluer la portée. L’objectif est de voir dans quelle mesure la gouvernance d’entreprise peut être un levier pour inscrire nos économies sur une trajectoire de transition écologique.

Ces propositions pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des quatre axes ci-dessous :

1. Quels mécanismes de gouvernance d’entreprise pour réduire les impacts et les risques environnementaux ?

Ce premier axe vise à questionner les enjeux théoriques du lien au sein d’une entreprise, entre gouvernance et enjeux environnementaux, qu’il s’agisse de l’impact environnemental causé par l’entreprise ou des risques (climatiques, de transition) qui pèsent sur elle. Cela vise deux objectifs : mieux comprendre les raisons pour lesquelles une entreprise doit intégrer de tels enjeux dans la gestion et le contrôle de ses décisions stratégiques d’une part, et analyser les dispositifs organisationnels qu'elle utilise à cet effet d’autre part. Quels sont par exemple les outils d'incitation et de surveillance mobilisés et développés ? Quel est leur impact sur la performance environnementale de la firme considérée ?

2. Quelles expériences de gouvernance écologique ?

Ce deuxième axe vise à saisir une gouvernance écologique déjà-là au travers d’expériences d’entreprises engagées dans une transition environnementale. Des monographies permettraient de proposer des exemples de gouvernance supposée vertueuse qu’il s’agirait ensuite de tenter de généraliser. Que dire de la gouvernance de nouveaux modèles, tels que ceux des sociétés à mission, « à impact » ou coopératives ? Quelles évolutions y observe-t-on en termes de répartition du pouvoir de décision, de participation des parties prenantes ou de division du travail en vue d’une transition écologique et pour quels résultats ? La prise en compte de cet enjeu entraine-t-elle des modifications d’un autre ordre concernant par exemple les rémunérations, les conditions de travail et d’emploi ou le dialogue social ? Les relations de sous-traitance évoluent-elles dans un sens favorable à la transition ? Quelle est la place prise par les syndicats aux côtés des nouveaux acteurs entrant en jeu que sont en premier lieu les professionnels de la RSE, mais aussi les ONG, ou les associations écologistes ?

3. Quels dispositifs institutionnels pour une nouvelle gouvernance écologique ?

Ce troisième axe cherchera à identifier les dispositifs institutionnels macro ou méso-institutionnels nécessaires pour développer une gestion des entreprises en faveur de la transition écologique. Ceux-ci visent à remplir différentes fonctions : encourager, accompagner, piloter et mesurer les changements ou transformations. Des travaux portant sur les normes comptables internationales, la comptabilité environnementale, les normes de durabilité, des certifications et labels, la mise en place de plans de vigilance, les mesures d’impact ou encore la régulation financière sont les bienvenus. L’analyse des processus sociaux amenant à l’émergence de ces normes et règles est aussi recherchée. S’agit-il du recrutement de professionnels spécifiques, du résultat de l’action de mouvements sociaux ou encore de la poursuite de stratégies internes visant la préservation de l’identité, de l’image ou de la réputation de l’organisation ?

4. Quel environnement macro-financier pour une nouvelle gouvernance écologique ?

Ce quatrième axe se penchera davantage sur le lien entre finance globale et gouvernance. Il s’agira notamment de donner à voir le rôle prescriptif – ou au contraire de frein – que peuvent avoir certains blocs d’actionnaires dans l’imposition ou non d’indicateurs de bonne performance environnementale, mais aussi dans l’adoption ou non de politiques efficaces pour favoriser la transition écologique. Les investisseurs de long terme (fonds de pension, compagnies d’assurance) sont-ils à même de minorer leurs exigences de rendement pour favoriser la survenue d’une réelle transition écologique ? Les fonds souverains des pays producteurs d’hydrocarbures préparent-ils l’après pétrole et l’après gaz ? L’action des banques et des Banques Centrales contribue-t-elle à un environnement financier plus favorable à l’environnement ?

Coordination : Tristan Auvray, Thomas Dallery, Yann Guy, Sandra Rigot et Stéphanie Barral

Date limite d’envoi des textes : 01 mars 2025

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