Socio-économie de l’assistance médicale à la procréation : nouvelles perspectives

Numéro hors série de la RFSE

Selon l’OMS, un couple sur six est aujourd’hui concerné par une infertilité médicale. Pour celles et ceux qui souhaitent devenir parents, il existe désormais différentes techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP), aussi appelée procréation médicalement assistée (PMA) pour pallier cette infertilité dite « médicale » : insémination artificielle et fécondation in vitro avec ou sans donneur, ou encore gestation pour autrui (GPA). Ces techniques sont également un recours possible pour celles et ceux dont l’infertilité est dite « sociale » (couples de même sexe, personnes qui ne sont pas en couple).
L’AMP prend donc aujourd’hui de plus en plus de place dans la production des familles : en France, on estime en 2018 qu’un enfant sur 30 est conçu dans le cadre d’une AMP, proportion qui n’a cessé d’augmenter depuis les années 1980. Cette évolution repose sur l’évolution des techniques médicales et sur des adaptations juridiques qui, comme en France en 2021, ont étendu l’accès à l’AMP à des populations qui n’étaient pas éligibles jusqu’alors – femmes « non mariées » ou couples de femmes. A contrario, certains pays ont limité les possibilités de recours à ces techniques en excluant les couples de même sexe ou non nationaux, comme ce fut le cas en Inde pour la GPA en 2018.


Cette diversité des encadrements entraine des modalités variées de financement des soins, assumés par des systèmes mutualisés de santé et/ou s’appuyant sur des mécanismes marchands. De surcroît, la commercialisation des services d’AMP est parfois à l’origine de flux transnationaux de personnes, soit que celles-ci recherchent des solutions d’aide à l’étranger quand elles ne peuvent y prétendre dans leur pays de résidence, soit que les coûts ou les délais d’attente sont estimés trop importants.

Si l’AMP suscite de nombreuses recherches en sciences sociales, les aspects socio-économiques restent peu documentés. Or ils sont au coeur du fonctionnement de ces bioéconomies en pleine croissance. Au-delà des estimations variables du poids de ce secteur, la montée en puissance de ce « marché global de la fertilité » occasionne de nombreux débats à propos de l’objet des échanges réalisés (des gamètes, des enfants, des services, du travail ?) et de leur forme (marché, don, redistribution ?). Par ailleurs, les activités des professionnel.les, en particulier les intermédiaires, sont mal connues. Enfin, à une échelle plus micro, les coûts assumés par les personnes qui recourent à l’AMP sont importants, quel que soit le système de prise en charge local, et nécessitent la mise en place d’arrangements professionnels et financiers qui méritent d’être analysés.

Ce numéro hors-série de la Revue Française de Socio-Économie vise ainsi à interroger les dimensions socio-économiques de l’AMP. En variant les échelles d’analyse, des individus (parents d’intention, professionnel.les, donneur.ses) aux politiques nationales, en passant par les intermédiaires ou l’analyse des flux financiers ou de personnes, ce numéro souhaite apporter un éclairage nouveau sur un enjeu devenu essentiel de la justice reproductive. Il permettra notamment de mettre en avant les inégalités socio-économiques qu’on observe à différentes échelles selon les choix politiques effectués par les pays en matière d’infertilité et de droits reproductifs.

Plusieurs pistes de réflexion, non exhaustives, pourraient être suivies dans les articles :
Droit et organisation du financement de l’AMP : un premier volet de recherches pourra documenter les différents modes de financement de l’AMP selon les régions du monde. Entre les deux pôles du financement entièrement mutualisé (remboursement des prestations) et celui du recours aux seules logiques marchandes, différentes organisations hybrides existent. En analysant les législations locales, les articles pourront se saisir des enjeux de protection sociale suscités par l’AMP (qui paye ou devrait payer ?), des questions sur les publics estimés légitimes pour prétendre entrer dans les programmes, les enjeux moraux et politiques que cette organisation économique suggère et les inégalités sociales qu’elle entraîne voire accentue. Les articles pourront aussi analyser les concurrences entre les régulations nationales et les contournements qu’elles suscitent (comme le fait de traverser les frontières).
Les protagonistes de l’économie de l’AMP : comment les centres médicaux, les agences, les cabinets d’avocats, ou encore les associations ou fondations se sont-ils déployés sur ce marché, et pour y jouer quel rôle ? Comment se répartit la production de ces prestations entre secteurs privé, public et privé non lucratif ? Quel types d’acteurs, mûs par quelles logiques se positionnent-ils sur cette activité en plein essor ? Comment les fournisseurs et intermédiaires valorisent-ils leurs services et via quels canaux (en/hors ligne) ? Comment justifient-ils les tarifs de leurs prestations ? Plus globalement, comment circule l’argent de l’AMP entre les pays, mais aussi entre les intermédiaires eux-mêmes, entre les parents d’intention, les donneur.ses et l’institution médicale ?
Le prix et le coût de l’AMP : les articles pourront analyser la place du coût dans le choix des destinations, des centres médicaux, ou des prestations de services complémentaires. Il s’agira d’observer les coûts de l’AMP pour les personnes qui y recourent, les arrangements financiers et/ou profesionnels réalisés, les stratégies mises en place pour payer le parcours, par exemple les soutiens économiques envisagés et obtenus (prêt bancaire, épargne, dons intrafamiliaux…). Les articles pourront également étudier comment les prix des techniques, des dons ou des mises en relation sont fixés, et interroger les inégalités et les relations de domination à l’oeuvre entre intermédiaires, parents d’intention et personnes donneuses. Enfin, il pourra s’agir d’étudier les arbitrages des parents d’intention entre différentes techniques ou destinations, ainsi qu’entre l’AMP et l’adoption.
Les enjeux de mesure : les prix des services reproductifs sont difficiles à évaluer car ils engagent de nombreux coûts invisibles pour les individus, en particulier quand ils sont dispensés dans le cadre de systèmes publics de santé. Toutefois, même dans le cas des systèmes dans lesquels les logiques marchandes sont très présentes, il est difficile d’estimer le coût des parcours et les volumes d’affaires représentés. Les articles pourront traiter des enjeux autour des modes de calcul et de quantification qui sont essentiels pour mesurer la taille de ces secteurs, ce qu’ils coûtent ou rapportent collectivement.
 

Coordination : Élodie Bertrand, Virginie Rozée, Marie Trespeuch

Date limite d’envoi des textes : 05 septembre 2025

Les articles peuvent être rédigés soit en français, soit en anglais, être d’une longueur maximale de 60 000 signes (espaces, notes de bas de page, bibliographie compris)
Ils doivent parvenir par voie électronique au secrétariat de rédaction et aux coordinatrices :

Ils doivent impérativement être présentés selon les normes éditoriales de la revue :

Les articles acceptés seront publiés fin 2026, début 2027 dans un numéro hors série en ligne et en accès libre.

Appel au format PDF

Socio-Economics of Medically Assisted Reproduction: New Perspectives

Special Issue of the Revue Française de Socio-Économie

According to the World Health Organization, one couple in six is now affected by medical infertility. For those who wish to become parents, various forms of Medically Assisted Reproduction (MAR) are available to overcome this "medical" infertility: artificial insemination, in vitro fertilization (IVF) with or without donors, and surrogacy. These techniques are also available to people with “social” infertility (same-sex couples, people who are not in couples).
As a result, MAR is increasingly central to family formation. In France, it was estimated in 2018 that one in 30 children was conceived via MAR, a proportion that has steadily risen since the 1980s. This trend is driven by advances in medical techniques as well as legal changes, such as in France in 2021, where access to MAR was extended to populations previously ineligible, including “unmarried women” and couples of women. In contrast, some countries have restricted access to these technologies, excluding same-sex or non-national couples, as was the case with surrogacy in India in 2018.
This diversity of regulatory frameworks leads to various models for funding MAR, with costs covered either by public health systems or through market mechanisms. Additionally, the commercialization of MAR services often triggers transnational flows of people seeking solutions abroad when they cannot obtain in their home countries, or when costs or waiting lists are deemed too high.
While MAR has given rise to a great deal of research in the social sciences, its socio-economic aspects remain underexplored. These aspects are crucial to understanding the functioning of these rapidly growing bio-economies. Beyond the variable estimates of the sector’s size, the expansion of this "global fertility market" has sparked numerous debates about the purpose of the exchanges (gametes, children, services, labour?) and their forms (market, donation, redistribution?). Furthermore, the roles of professionals, particularly intermediaries, are poorly documented, and on a more micro scale, the costs borne by individuals who resort to MAR can be significant, regardless of the local health care system. These financial and professional arrangements warrant detailed analysis.
This special issue of the Revue Française de Socio-Économie invites contributions that analyse the socio-economic dimensions of MAR. By varying the scales of analysis—ranging from individuals (intended parents, professionals, donors) to national policies, and including intermediaries or analyses of financial or human flows—this issue aims to offer new insights into a critical issue in reproductive justice. It will, in particular, highlight socio-economic inequalities observed at different scales, depending on the political choices made by countries in matters of infertility and reproductive rights.
Several, non-exhaustive avenues for reflection could be explored in the articles:
Law and Organization of MAR Financing: a first strand of research could document the various modes of financing across different regions of the world. Between the two poles of fully mutualized funding (reimbursement for services) and the sole reliance on market-driven logic, various hybrid organizational models exist. Articles could analyse local legislation to raise
issues related to social protection in MAR (who pays or should pay?), the public considered legitimate to enter the programmes and the moral and political issues that this economic organisation suggests. Articles could also explore tensions between national regulations and the circumventions they provoke (such as crossing borders to access MAR).
Actors in the MAR Economy: How have medical centres, agencies, law firms, and associations or foundations developed within this market, and what roles do they play? How is the provision of these services distributed among the private, public, and non-profit private sectors? What types of actors, driven by what logics, position themselves in this rapidly growing activity? How do service providers and intermediaries’ market and advertise their services, and through which channels (online/offline)? How do they justify their pricing? More broadly, how does money circulate within the ART economy, both between countries and among intermediaries, intended parents, donors, and medical institutions?
Prices and costs of MAR: the articles could examine the role of cost in decisions regarding MAR destinations, medical centres, or complementary services. The focus would be on examining the costs of MAR for those who seek it, the financial and/or professional arrangements made, and the strategies employed to fund the process, such as economic support considered and obtained (bank loans, savings, intra-family donations, etc.). The articles could also explore how the prices of techniques, donations, or matchmaking services are determined, and investigate the inequalities and power dynamics at play between intermediaries, intended parents, and donors. Finally, the analysis could focus on the decisions made by intended parents between different techniques, as well as between MAR and adoption
Challenges in Measurement: The cost of reproductive services is difficult to assess due to numerous hidden costs for individuals, particularly when services are provided within public health systems. However, even in systems where market-driven logic is predominant, estimating the costs of MAR processes and the scale of business involved remains a challenge. Articles could address issues related to calculation and quantification methods that are essential for measuring the size of these sectors, and for understanding what they collectively cost or generate.

Coordination: Élodie Bertrand, Virginie Rozée, Marie Trespeuch

Articles are expected by September 5, 2025

Articles, written in French or English, with a maximum length of 60,000 characters (including spaces, footnotes, and bibliography).
They should be submitted by email to: Editorial Secretary and to the editors of the special issue:

They must be presented according to the editorial guidelines of the journal:


Accepted articles will be published at the end of 2026/beginning of 2027 in a special online issue with open access.

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