Socio-économie de la réparation

Pratiques, marchés, politiques publiques

Ce dossier thématique de la rfse se propose de rassembler des articles qui examinent, dans une perspective pluridisciplinaire, les dimensions organisationnelles, managériales, sociales, politiques, économiques ou encore historiques de la réparation.

Depuis une vingtaine d’années, la réparation connaît un regain d’intérêt certain : apparition d’un mouvement transnational pour le droit à la réparation, multiplication des « repair cafés », création de start-ups, de labels et de fédérations de réparateurs, déploiement d’équipes dédiées au sein de grandes entreprises, ou encore élaboration de politiques publiques pour soutenir le marché de la réparation. La littérature identifie deux principaux facteurs permettant de comprendre ce retour encore relatif de la réparation. D’abord, la réparation est perçue comme un levier écologique pour faire basculer l’économie d’un modèle linéaire vers un modèle circulaire afin de faire face aux enjeux posés par l’extraction de matières premières et l’enfouissement des déchets. Ensuite, la réparation représente un enjeu économique important, avec l’apparition de nouveaux modèles d’affaires adossés à des marchés dont certains experts prédisent une croissance importante et la création d’emplois difficilement délocalisables.

Pourtant, si la littérature permet de comprendre pourquoi la réparation gagne en importance dans les discours, moins de travaux permettent de saisir par qui, comment et avec quels effets se concrétise cette dynamique encore émergente qui peine à passer à l’échelle. Cela ouvre un ensemble de questions auxquelles ce numéro cherche à apporter des pistes de réponse. Comment évoluent les représentations et les pratiques de la réparation ? Qui compose réellement l’écosystème de la réparation et selon quels rapports de force se structure-t-il ? Quelles politiques publiques, institutions et qualifications marchandes sont mises en place pour organiser les marchés de la réparation (normes, indices, etc.), et avec quels succès ? Quels mécanismes peuvent participer à disséminer et faire monter en puissance la réparation ? Enfin, est-ce que la multiplication des pratiques de réparation permet réellement de rendre nos économies plus circulaires, ou bien des effets en limitent la portée ?

Ce numéro espère accueillir des articles basés sur des enquêtes empiriques et des cadres théoriques pluriels autour de trois axes principaux.

1. Culture, consommation et pratiques ordinaires de réparation

Le premier axe propose d’explorer la réparation au quotidien. En lien avec les perspectives écologiques, féministes, et de subsistance, il s’agira de caractériser les acteurs, les pratiques, les savoirs, les représentations, et les formes de valorisation de la réparation dans nos sociétés contemporaines, ainsi que leurs évolutions dans le temps. Comment les rapports de classe et de genre structurent-ils les rapports à la réparation ? Quelles dynamiques sociales concourent à la valorisation différentiée de la réparation, entre activité à la mode dans les classes moyennes, et travail sous-valorisé des réparateurs ? Quels réseaux sociaux, organisations militantes, ou encore cultures matérielles soutiennent les pratiques ordinaires de réparation ? Quelle place les formes de consommation responsable jouent-elles dans ces dynamiques et comment caractériser leur évolution ? Par quels mécanismes la dimension culturelle de l’obsolescence pourrait-elle être contrebalancée par une nouvelle culture de la réparation ? Quelles différences et circulations de savoirs et de représentations observe-t-on entre les pays du Nord et des Suds ?

2. Économie, secteur et marchés de la réparation

Le second axe vise à comprendre les enjeux économiques de la réparation. Comment caractériser les pratiques, comme l’obsolescence programmée, qui freinent la réparation ? À l’inverse, comment se structurent des écosystèmes de la réparation qui s’opposent à ces pratiques ? Quels sont les nouveaux modèles d’affaires des entreprises qui se positionnent sur ces marchés ? Quels mécanismes peuvent orchestrer leur montée en puissance et leur dissémination à de nombreux acteurs ? Comment se transforment les entreprises plus traditionnelles (fabricants, distributeurs, sociétés d’assurance, etc.) pour intégrer la réparation dans leur stratégie et quelles tensions ces transformations génèrent-elles ? Quels sont les agencements marchands (e.g. labels) mis en place pour développer et structurer les marchés, selon quels rapports de force, et avec quels effets sur la réparabilité des produits ? Quelles régularités ou singularités observe-t-on entre, d’une part, différents marchés de la réparation – de biens ordinaires (e.g. automobile, smartphone), de biens rares (e.g. œuvres d’art) et d’infrastructures (e.g. réseau routier) – et d’autre part, des marchés similaires comme ceux de la maintenance ou du reconditionnement ? Comment ces dynamiques affectent-elles d’anciennes ou de nouvelles professions, depuis l’apparition de formations dédiées jusqu’à la mobilisation des organisations syndicales ? Enfin, suivant la perspective ouverte par l’anthropologie économique, il s’agira de suivre la carrière des objets réparés et de tracer le changement de leur statut dans les circuits de marchandises.

3. Instruments et politiques publiques

Le troisième axe s’intéresse aux multiples instruments d’action publique – informationnels, économiques, ou encore réglementaires – qui visent à soutenir les pratiques de réparation. Quelles dynamiques permettent de comprendre la multiplication de politiques publiques en faveur de la réparation ? Quelles alliances et oppositions se nouent entre mouvements sociaux, acteurs économiques et groupes politiques autour des politiques de la réparation au niveau national et européen ? Comment s’articulent-elles à d’autres politiques industrielles et économiques ? Concernant leurs effets, les mesures mises en place sont-elles suffisantes pour transformer en profondeur les modèles d’affaires des entreprises ainsi que le comportement des consommateurs aboutissant à une montée en puissance de la réparation et à une économie in fine plus circulaire ?

Coordination : Rémi Beulque, Kevin Mellet, Helen Micheaux, Sébastien Shulz

Date limite d’envoi des textes : 03 novembre 2025

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